Crédit d'Impôt recherche : réorienter le dispositif vers les PME
Le 19 septembre 2012
Le sénateur socialiste de l'Essonne Michel Berson, rapporteur spécial de la mission «Recherche et enseignement supérieur», a remis son rapport sur l'utilisation du Crédit Impôt Recherche (CIR). Interlocuteur privilégié des TPE et PME qu'il accompagne au quotidien, le cabinet de conseil en financement Sogedev fait le point sur ses enseignements et conclusions.
Une mesure essentielle pour le développement des PME innovantes :
En 2010, le crédit d'impôt recherche a, une nouvelle fois, atteint des records en termes de chiffres. En effet, près de 18 000 entreprises ont déclaré du CIR en 2010.
Dans un contexte économique difficile, le nouveau gouvernement a fait des PME et de l'innovation deux de ses priorités. Le CIR est au centre de toutes les attentions pour accompagner la croissance des entreprises et améliorer leur compétitivité. Le rapport Berson semble confirmer la volonté du gouvernement.
En effet, l'objectif du rapport est de recadrer le crédit d'impôt recherche sur les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de supprimer certains effets d'aubaine pour les grands groupes.
Donner la priorité aux PME :
Le rapporteur spécial propose un barème de 3 taux de CIR, plus incitatif pour les PME que le barème actuel, et respectant les propositions du nouveau gouvernement :
- Taux à 20% pour les grandes entreprises de plus de 5000 salariés. Le rapporteur spécial propose la suppression du plafonnement à 100 millions d'euros et donc la tranche à 5% au-delà de 100 millions de dépenses. Les 20% s'appliqueraient dès le premier euro, sans plafond.
- Taux à 30% (pour les ETI),
- Taux à 40% (pour les PME indépendantes et éventuellement pour les ETI).
Cette mesure générerait un redéploiement du CIR des grands comptes vers celui des PME : leur taux de CIR ramené à 20%, générant une économie de 300 millions d'euros, à redistribuer aux PME en revalorisant leur CIR (coût de 200 millions d'euros), et éventuellement à hauteur de 150 millions d'euros si les ETI bénéficiaient de la mesure.
Le rapporteur préconise également le pré-remboursement du Crédit Impôt Recherche en un versement trimestriel de la créance l'année même de la réalisation des dépenses, afin de réduire le temps d'attente entre la réalisation des travaux de R&D et l'obtention du remboursement (intervenant après la déclaration 2069, déposée à la clôture des comptes de l'entreprise).
Mieux sécuriser le CIR :
Le Sénateur Berson revient sur une mesure déjà soulevée par de précédents rapports (MEC, IGF, ...) : la possibilité d'instaurer, à la demande de l'entreprise, un débat contradictoire avec l'expert du MESR, missionné par l'administration fiscale pour vérifier l'éligibilité scientifique des travaux de R&D valorisés dans le CIR en cas de contrôle. Un décret pourrait prévoir le respect du principe du débat contradictoire.
Par ailleurs, il est préconisé de fusionner et harmoniser les 9 instructions fiscales publiées et relatives au Crédit d'Impôt Recherche.
Un « code du CIR » pourrait également voir le jour, en compilant tous les documents de référence (textes réglementaires, guide du CIR du MESR, manuel de Frascati..).
Par ailleurs, le rescrit fiscal, bien que traditionnellement mis en avant, est présenté ici comme un levier peu important de sécurisation.
Modifier le périmètre de l'assiette du CIR :
S'agissant de la recherche collaborative publique/privée, le rapport préconise d'élargir les dispositions favorisant le recrutement de jeunes docteurs et la sous-traitance des travaux de R&D à des établissements publics de recherche.
Le rapporteur spécial propose de considérer les dépenses d'innovation, au travers d'un Crédit d'Impôt Innovation (CII), non défini à ce jour, opérant sur les dépenses amont ou aval aux processus de R&D. Selon le Sénateur Berson, la notion d'innovation reste indéterminée et peut induire un coût important pour l'Etat.
Par ailleurs, le Crédit d'Impôt Collection est sur la sellette, il conviendrait de refondre le dispositif au sein d'un Crédit d'Impôt Création, plutôt que de le laisser artificiellement au sein du CIR.
Le rapporteur spécial propose de maximiser l'effet du CIR sur l'emploi et la création de postes de chercheurs. Par ailleurs, le volet "jeune docteur" étant noté comme "ne servant à rien" il demanderait à être évalué et à évoluer.
En outre, le rapport préconise l'exclusion des banques et des assurances du dispositif CIR. En effet, cela répondrait aux polémiques déjà soulevées dans différents rapports sur le crédit impôt recherche. Son impact serait toutefois limité. Les banques et assurances ne bénéficient que de 2% de la créance du CIR.
Activités de conseil autour du CIR :
Le rapporteur spécial insiste en premier lieu sur les "coûts de gestion interne du CIR", en moyenne de 10% (de 5 à 20% selon la taille de l'entreprise). Cette analyse est conforme aux rémunérations pratiquées par les cabinets de conseil mettant en place une gestion externalisée du CIR pour leurs clients, à fortiori pour les PME.
Le rapport précise que les rémunérations de ces cabinets ne représentent qu'une faible part du budget du CIR et que, le secteur étant de plus en plus concurrentiel, les mauvais acteurs disparaissent.
Le rapporteur spécial suggère que l'ASCOFI (association représentative des cabinets de conseil en innovation) organise la transparence de la profession à travers la publication d'une charte de déontologie (actuellement insuffisante) intégrant notamment des indications tarifaires, un contrat type, et la généralisation d'une clause de répétition de l'indu.
Pour en savoir plus sur le rapport, consultez le site du Sénat et la note du 18 juillet 2012 : Rapport d'information de M. Michel BERSON, fait au nom de la commission des finances.