Le Nouvel Economiste - La sécurisation de la propriété industrielle
Le 02 février 2011 Télécharger la version PDF
Les aides aux PME peinent à toucher leur public
Développer son potentiel d'innovation et sécuriser le patrimoine existant est désormais vital pour la compétitivité des entreprises. Une stratégie certes coûteuse pour une PME qui se lancerait seule dans la démarche, mais que l'utilisation optimisée des outils de financement de la propriété intellectuelle rend tout à fait abordable. Encore faut-il pouvoir les identifier et évaluer leur pertinence en fonction de ses besoins, du simple dépôt de brevet au financement de la R&D. Pour les grands comptes, qui ont développé une véritable "culture de la PI", le financement de la protection fait partie intégrante de la stratégie de propriété intellectuelle. Le taux de pénétration de ces dispositifs au niveau des PME est en revanche décevant au regard des bénéfices qu'elles pourraient en tirer. La faute à des dispositifs trop complexes et mal diffusés.
" Si le facteur essentiel n'est plus le coût marginal du travail mais la capacité à innover, alors nous avons raté une étape pour n'avoir pas cru que ce serait "notre tour"." Le constat de Bernard Charlès, président et CEO de Dassault Systèmes, interviewé dans Le nouvel Economiste du 20 janvier, plante le décor d'une France dont la R&D peine à franchir 2% du PIB... L'innovation est pourtant le facteur essentiel qui permet d'asseoir la pérennité d'une entreprise. Et verrouiller cette richesse sur le plan national et international, et y consacrer les moyens à la hauteur des ambitions de croissance de l'entreprise devient dès lors un enjeu concurrentiel.
Mais les différentes phases de R&D et la protection de l'innovation coûtent cher aux entreprises, en particulier aux PME qui ne disposent que très rarement des fonds propres suffisants. De nombreux dispositifs d'aide publique à l'innovation existent, mais sont encore sous-utilisés. "Peu d'entreprises connaissent exactement les aides dont elles peuvent bénéficier pour protéger leurs biens immatériels", observe Philippe Rodhain, conseiller en propriété industrielle et chargé d'enseignement à Bordeaux IV.
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La jungle des aides fiscales
"La France est aujourd'hui le premier pays de l'OCDE par le niveau des aides fiscales et des aides publiques en général apportées à la R&D des entreprises", lançait fièrement Christine Lagarde, ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, lors de la remise en septembre 2010 du rapport d'évaluation sur le Crédit d'impôt recherche (CIR). Selon une enquête réalisée l'an dernier auprès de 5 000 PME par Sogedev, cabinet de conseil en financement, parmi les aides publiques les plus utilisées par les entreprises, le Crédit impôt recherche est cité par 40% des sondés, suivi d'Oseo (26%) et du statut de Jeune entreprise innovante (21%). Les "aides à l'innovation" d'Oseo sont destinées à financer 30% à 50% du budget d'un projet de R&D. L'établissement public accorde des prêts à taux zéro pouvant se transformer partiellement en subvention en cas d'échec technique et commercial. "Ces aides sont inscrites au passif comme un prêt bancaire et sont amortissables avec un différé de remboursement pendant en général 2 ans; le prêt est ensuite remboursé sur trois ans", précise Charles Edouard de Cazelet, directeur associé de Sogedev. Le statut Jeune Entreprise Innovante (JEI) est quant à lui un dispositif à la fois fiscal et social qui permet une exonération de certaines charges patronales d'Urssaf, ainsi qu'une exonération d'impôt sur les sociétés. Il permettrait d'économiser en moyenne 10 000 euros par an et par personnel dédié à l'innovation. Pour le CIR, l'économie se chiffrerait en moyenne pour une PME à 131 000 euros d'impôts sur les sociétés, selon les statistiques du ministère de la Recherche. Entièrement retoiletté le 1er janvier 2008, ce dispositif fiscal est reconnu par l'OCDE comme l'un des plus attractif au monde. Son objectif: accroître la compétitivité des entreprises en soutenant leurs efforts de R&D par la réduction de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises industrielles et commerciales soumises à l'impôt sur les sociétés (IS). Font partie, entre autres dépenses éligibles au CIR, les frais de dépôt et de maintenance de brevets (sauf frais afférents aux dessins, modèles et marques de fabrique, et les concessions de licences), les frais de défense de brevets (avec une limite 120 000 euros par an si les frais consécutifs à la réalisation d'opérations de recherche sont éligibles au CIR) et enfin les dotations aux amortissements de brevets, si l'acquisition de brevet est réalisée dans un objectif de R&D. Pour s'assurer que ses dépenses de R&D peuvent être prises en compte dans le cadre du CIR, et sécuriser ses calculs au préalable, l'entreprise peut déposer une demande de rescrit fiscal auprès de la direction des services fiscaux dont elle dépend.
Une procédure qui, bien évidemment, refroidit encore beaucoup les entreprises, comme l'explique Philippe Rodhain: "une étude sur les procédures de rescrit a montré que les gens avaient très peu recours à cette vérification en amont, car elles craignaient d'attirer l'oeil de l'administration fiscale sur leur comptabilité et de devenir l'objet d'un contrôle. C'est donc le système qui est tué dans l'oeuf !" Autre solution: faire appel à un expert-comptable, conseille Philippe Rodhain, "ils sont de plus au fait de ce dispositif et l'intègrent dans leurs prestations dès que la société a une activité même embryonnaire en R&D". "La propriété industrielle est consubtentielle de la stratégie de l'entreprise" "Oseo est une usine à gaz! Les dossiers de financement sont très lourds et très longs".